Le premier appelé by Ego

Auteur:Ego
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Toucan
Publié: 2011-11-03T00:00:00+00:00

Pendant le repas, Laura lui demanda :

– Je vous ai vu n’utiliser aucun support pour l’expertise de ce matin. Vous êtes numismate ou historienne ?

La maîtresse de maison termina sa bouchée et sourit.

– Ethnologue serait le terme le plus approchant. Voyez-vous, je travaille sur l’histoire des hommes, quelque fois sur les hommes de l’Histoire, mais dans tous les cas, ma matière première est périssable. Elle naît, elle vit, elle meurt puis disparaît. Alors, je me rabats sur ce qu’elle laisse, et le monnayage est une des traces des plus intéressantes.

Elle but une gorgée de vin et reprit.

– Prenons un exemple : le solidus de ce matin, pour ne pas chercher plus loin. Il nous renseigne non seulement sur la métallurgie, mais aussi sur la calligraphie, le graphisme, le niveau d’évolution et de raffinement de la société de l’époque, sa mode vestimentaire, sa richesse et la situation politique du moment, bien évidemment. Et puis, n’oublions pas que la monnaie, probablement ce qui circule le plus au début de notre ère, véhicule également un symbolisme très fort voulu par l’émetteur : des rois, des princes ou l’empereur, généralement. Dans le cas présent, la victoire, le personnage sur le revers, porte une croix chrismée et non plus un trophée. Constantin annonce clairement par là qu’il est, non seulement le premier empereur à donner la liberté de culte aux chrétiens, en confirmant de cette façon son édit de Milan de 313, mais aussi qu’il a choisi de favoriser cette nouvelle religion et de s’y appuyer. Et il le montre.

Elle ajouta :

– Soit par conviction personnelle, soit par calcul politique ; là, nous entrons dans un autre débat.

Elle proposa à ses convives de se resservir avant de reprendre.

– C’est lui, Constantin Ier, le premier à faire frapper des symboles chrétiens sur la monnaie d’un Empire jusque-là païen. C’est un geste très fort. Politiquement, la religion chrétienne bénéficie, à partir de ce IVe siècle, du droit d’exister, du droit aux subsides, comme toutes les autres religions reconnues par l’État, mais aussi, et surtout, d’un outil de propagande immense et ouvert qui s’appelle l’Empire romain.

Elle regarda Laura.

– Si Constantin ne l’avait pas fait et qu’il eût préféré continuer à martyriser les chrétiens comme ses prédécesseurs, peut-être que cette religion ne serait plus aujourd’hui étudiée qu’en second cycle universitaire comme un mouvement sectaire disparu depuis mille cinq cents ans. Peut-être ne serions-nous point pagano-judéo-chrétiens et peut-être que je pourrais afficher mon homosexualité librement. Mais là aussi, c’est un autre débat, conclut-elle dans un sourire.

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